Le coup de coeur de July - Charline Lambert, poétesse

Jeune poétesse belge, Charline Lambert manie la langue et les mots avec une justesse incroyable. Son amour du verbe et sa recherche constante du mot juste, de celui qui nous claque aux oreilles font de sa poésie un objet rare et précieux. Dans l’ensemble de ses ouvrages, on retrouve des mots désuets, obsolètes, voire totalement oubliés de notre belle langue française. Elle fait corps avec sa poésie, on sent une épaisseur dans les vers qui peuvent se révéler très brutaux, mais néanmoins légers … Charline Lambert maîtrise on ne peut mieux cet art de l’oscillation entre le corps et la langue.

Au premier terme inconnu croisé, j’ai voulu connaître sa signification précise et me suis emparée de mon dictionnaire pour en saisir le sens et comprendre la raison de sa présence à cet endroit. Mon côté cartésien, et rationnel, j’imagine. Et puis, au fil de ma lecture, je n’ai plus cherché à comprendre la signification de ces mots qui m’étaient totalement étrangers. Entièrement transportée par le rythme des vers, je n’ai plus ressenti ce besoin de compréhension intellectuelle, me laissant transporter par le flot des mots et des émotions qui par instant, me submergeaient. J’ai donc pris le parti de me laisser guider par mes perceptions et de m’ancrer dans le moment présent avec pour seule compagne une poésie riche et dense, mêlant étrangeté et ailleurs.

La poésie de Charline Lambert, que je suis grandement tentée, malgré le côté un peu bateau de l’expression, de qualifier d’ « amoureuse des mots » m’a simplement donné l’impression de partir, de m’éloigner du monde tangible dans une autre langue dont on sent qu’elle ne garde que l’essentiel pour nous faire vibrer au rythme des mots et de leur scansion. Et il semblerait que je ne sois pas la seule qu’elle ait conquis. Vincent Tholomé, poète-performeur proche de notre Maison la définit ainsi : « Charline Lambert est affamée. Écrit. Aime. Se frotte aux autres. Elle sait qu’on peut, de temps à autre, sentir le souffle. Briser la glace. Raviver. Elle sait qu’on est des volcans en sommeil ».

Une Salve – L’Âge d’Homme

Habiter la nuit – et devient mydriase, cet être
enlisé de suif dans le brou de l’âme.
Entrer dans la mer – et devient refoliation, ce feu
sauvage dilapidant ses sèves.
Et il devient éphélide, ce corps, ce corps sombre
Lourd d’étoiles sur moi.

Sous dialyse – L’Âge d’Homme

À la surface de l’eau se laisse entrevoir une déchirure, ligne d’encre sur le paysage, tandis que cette mer recule, secouée de contractions, jusqu’à ce que ses tendons éclatent, claquent comme des coups de fouet qui la cravachent jusqu’à la dernière crispation.
Jusqu’à ce que quelque chose se transforme et prenne corps.

Désincarcération – L’Âge d’Homme

Et d’un éclat, cette intuition d’être une
matière qui a traversé des siècles de chair,
qui te fait sentir combien tu es,
déjà, là
hors sujet.

Curieuse en effet, cette expérience de
l’autre,
de quelque chose presque
malgré
soi.
Issue pourtant d’autres,
issues dans d’autres…

Incarcéré dans une continuelle absence,
ce corps duquel il te déloge
sans cesse, qui
sans cesse te relance
Dans une vaste entreprise
de récupération.

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